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Texte d’opinion : Allons-nous vers une hausse des taux hypothécaires fixes ?

Le marché obligataire canadien semble rebondir, ces derniers temps. Le rendement des obligations gouvernementales à 5 ans, baromètre des taux hypothécaires fixes, a bondi de 3,26 % en janvier à 3,63 % mardi dernier (avril 2024). Cette progression laisse présager une possible augmentation des taux hypothécaires.

Le marché obligataire canadien semble rebondir, ces derniers temps.

Le rendement des obligations gouvernementales à 5 ans, baromètre des taux hypothécaires fixes, a bondi de 3,26 % en janvier à 3,63 % mardi dernier (avril 2024), après avoir atteint un sommet intrajournalier d’environ 3,66 %.

Malgré ce qu’en disent certains experts, ne cédons pas à la panique. Cependant, c’est peut-être le moment idéal pour finaliser vos pré-approbations, sécuriser vos taux et envisager de contacter vos clients à taux variable pour leur proposer de passer à un taux fixe.

Les deux derniers jours ont vu les marchés boursiers subir leurs plus fortes baisses depuis longtemps. Le Dow Jones, le S&P 500 et le NASDAQ, à forte composante technologique, ont tous accusé le coup. Gardons toutefois à l’esprit que ces indices sortent de leur meilleur premier trimestre depuis environ six ans. Il s’agit donc probablement d’un simple rééquilibrage qui se répercute sur le marché obligataire.

Certes, les taux ont connu une hausse significative lors des deux ou trois dernières séances. Mais ça ne représente peut-être qu’un simple ajustement de portefeuille temporaire, susceptible de se stabiliser dans les jours et semaines à venir.

Anticipez une possible baisse des taux fixes vers la fin de l’année

La deuxième raison pour laquelle je pense que les taux fixes augmentent est due à la tarification actuelle. Certes, on s’attend à une baisse des taux cette année, mais probablement pas avant la fin du troisième trimestre ou le début du quatrième. De plus, cette baisse pourrait être moins importante qu’on le pense.

Dans notre secteur, nous savons que les taux fixes ont tendance à devancer le taux directeur de la Banque du Canada. Si, disons, le marché anticipe une baisse du taux directeur dans trois mois, alors les taux fixes devraient commencer à diminuer dès aujourd’hui. Or, les taux fixes faisaient déjà l’objet d’une remise substantielle, et le marché semble maintenant juger que cette baisse était peut-être excessive et prématurée.

Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a maintes fois réitéré que les taux resteraient stables tant que l’inflation ne serait pas durablement revenue à 2,0 %, ou du moins proche de ce seuil. Nous n’en sommes pas là.

La Réserve fédérale américaine, quant à elle, n’envisage plus que trois baisses de taux cette année, contre huit il y a trois mois. D’ici juin, ce nombre pourrait tomber à trois, un, voire zéro. En effet, la possibilité qu’il n’y ait aucune baisse n’est pas à exclure.

Analyse comparative des taux fixes et variables

Un rapide examen des chiffres révèle une anomalie. Pour un prêt hypothécaire à taux variable (PHTV) assuré, le taux actuel avoisine 6,50 %, soit environ -0,70 % par rapport au taux de référence. En comparaison, un taux fixe sur 5 ans pourrait s’établir à 4,99 %, créant un écart de 151 points de base.

Pour combler cet écart, il faudrait l’équivalent de six baisses de 25 points. On pourrait imaginer, disons, une ou deux baisses cette année, puis trois en 2025, et deux début 2026.

Toutefois, même si ces six baisses se concrétisaient et qu’en deux ans, le PHTV se retrouvait aligné sur le taux fixe, le surcoût initial resterait considérable. On aurait toujours payé l’équivalent de 151 points de base en trop les six premiers mois, puis 101 points pendant trois à six mois, suivis de 76 points, et ainsi de suite.

Pour que le PHTV s’équilibre réellement sur un taux fixe de 4,99 %, il faudrait environ 10 baisses de taux (selon le calendrier). Et je ne pense vraiment pas que nous verrons 10 réductions (pour un total de 250 points de base) au cours des cinq prochaines années.

Oui, les taux vont baisser, mais pas dans ces proportions. Une telle baisse risquerait de relancer la surchauffe du marché immobilier, et nous serions tristement de retour à la case départ.

Des calculs simples suggèrent que le marché des taux fixes avait anticipé trop de baisses trop tôt, et qu’il se réajuste en conséquence. C’est un principe élémentaire de l’arbitrage obligataire.

Sans prédire une envolée phénoménale des taux fixes, on pourrait envisager un taux fixe sur 5 ans autour de 5,49 % avant que le marché obligataire retrouve son équilibre.

Le rôle des dépenses publiques

Une autre raison pour laquelle nous voyons les taux fixes grimper se trouve du côté de la politique. Le 16 avril, les libéraux présenteront leur budget, mais ils annoncent déjà des dépenses de plusieurs milliards. Le hic ? Le gouvernement manque de fonds et devra emprunter en émettant des obligations d’État.

Or, plus l’emprunt est important, plus l’opération est risquée. Les taux d’intérêt doivent alors augmenter pour couvrir le risque accru. Pour dire les choses autrement : l’ampleur des emprunts gouvernementaux pousse les taux d’intérêt à la hausse.

Je ne prétends pas que le gouvernement fédéral soit dans la catégorie des emprunteurs de type « B » ou à haut risque. Je ne recommande pas non plus qu’il prenne une deuxième hypothèque sur Terre-Neuve, ni rien de la sorte, rassurez-vous ! Cependant, ses déficits sont considérables, et le marché obligataire s’en rend bien compte.

L’or, un refuge face à l’incertitude économique ?

Comme si la situation n’était pas déjà assez complexe, l’or atteint des sommets historiques, suscitant l’inquiétude des opérateurs qui y voient le signe d’une possible crise. En période d’instabilité économique, les investisseurs se tournent vers l’or et le dollar américain, délaissant les obligations canadiennes, notamment quand le gouvernement dépense comme des marins ivres lors d’une escale.

L’an dernier, j’avais exprimé mes craintes quant à la hausse du cours de l’or, pressentant un risque de crise de liquidité entre septembre 2024 et février 2025. Depuis, la progression constante du prix de l’or renforce cette hypothèse. Quelque chose se dessine à l’horizon.

Face à une telle crise, la Banque du Canada et d’autres banques centrales pourraient être contraintes de réduire drastiquement leurs taux pour contrer une déflation pure et simple. C’est le seul scénario où j’envisage une telle baisse – rapide ou importante – des taux. Ce genre d’événement évoque la théorie dite du « cygne noir ».

Malheureusement, même une baisse des taux ne suffirait pas à soutenir notre secteur en cas de gel des liquidités. Dans une telle situation, les banques cesseraient leurs prêts, peu importe où se trouveraient les taux d’intérêt.


Cet article fut initialement publié pour les abonnés de MortgageRamblings.com. Les personnes intéressées peuvent s’abonner en cliquant ici. Rappelons qu’il s’agit d’un texte d’opinion : les auteurs expriment leurs propres avis, qui ne reflètent pas nécessairement ceux de l’éditeur et de ses partenaires.

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Last modified: novembre 4, 2024

Ryan Sims, agent hypothécaire à London, a débuté dans les services financiers à 15 ans chez RBC. Après son diplôme secondaire, il a gravi les échelons à RBC jusqu’au service de recouvrement à Toronto, puis est passé chez Citi Group avant de créer sa propre pratique de planification financière dans le sud-ouest de l’Ontario. Pionnier, il a été l’un des premiers planificateurs ontariens à cumuler les permis d’assurance, d’agent hypothécaire et de placement, comblant ainsi une lacune du secteur. Après 17 ans à la tête de son entreprise, il l’a vendue en 2021 à 40 ans. Diplômé du Seneca College, certifié par l’IFIC et l’ICVM, il détient des permis d’assurance-vie et d’agent hypothécaire en Ontario. Auteur de www.mortgageramblings.com, Ryan est une référence sur les marchés financiers et le comportement des consommateurs. Formé en finance comportementale et Fintech à la Wharton School, il est marié depuis 20 ans à Kinga, père de 4 garçons de 13 à 20 ans, et partage son temps entre l’Ontario et la côte du Golfe du Mexique.

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