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Le Canada traverse une récession « par habitant », mais la reprise est proche selon Benjamin Tal de la CIBC

La mauvaise nouvelle frappe : le Canada sombre dans la récession et affronte une incertitude sans précédent. La bonne nouvelle ? Le malheur ne durera pas, et le pays se prépare à rebondir avec force.

Benjamin Tal, chef-économiste adjoint de la CIBC, affirme que le ralentissement économique actuel, bien qu’alarmant, est largement entraîné par des facteurs artificiels et temporaires. Il croit que ces facteurs se dissiperont éventuellement, laissant place à une économie florissante. La banque centrale du pays doit naviguer avec succès cette période pour atteindre ce résultat.

« Si la véritable et ultime mesure de l’intelligence est ce que l’on fait quand on ne sait pas quoi faire, alors les prochaines semaines, mois et trimestres mettront à l’épreuve le QI économique de la Banque du Canada, de la Fed (américaine) et de la BCE (Banque centrale européenne) », a déclaré Tal dans ses remarques d’ouverture au Forum Teranet Market Insight mercredi à Toronto.

« Nous n’avons pas connu une telle incertitude depuis le début du COVID, et nous devons maintenant comprendre cette folie, » a-t-il poursuivi.

Une récession en quelque sorte

Bien que le pays ne soit pas techniquement en récession, Tal affirme que la plupart des Canadiens connaissent une période de croissance négative prolongée des salaires et du pouvoir d’achat.

« Laissez-moi vous l’annoncer : nous sommes en récession — une récession par habitant, » dit-il. « Le PIB par habitant est en baisse de 20 % et a baissé pendant cinq trimestres consécutifs. »

« C’est la plus forte baisse du PIB par habitant depuis la crise économique de 2008, mais Benjamin Tal affirme que le Canada n’est pas dans une récession traditionnelle grâce aux 1,2 million de personnes qui sont entrées dans le pays au cours des deux dernières années. »

Cela, dit-il, représente une augmentation de 3,5 % de la croissance démographique, comparée à une moyenne de 0,9 % dans tous les autres pays de l’OCDE, ce que Tal décrit comme « absolument fou », et un facteur clé de la pénurie sur le marché du logement.

M. Tal affirme que deux facteurs atténueront cette pénurie : le gouvernement vient d’inverser sa politique d’immigration et cherche désormais à comptabiliser plus de résidents non permanents. D’ailleurs, ces futurs « immigrants » habitent déjà le pays.

« Nous traversons une période difficile, mais prometteuse, affirme-t-il encore. Le Canada connaît sa plus forte croissance démographique depuis le baby-boom d’après-guerre. Notre pays récolte un dividende jeunesse unique parmi les nations de l’OCDE. »

Résurrection du marché torontois des condos

Lorsque l’on parle du marché immobilier de Toronto, Tal affirme que les maisons et les immeubles bas restent stables, tandis que le marché des gratte-ciels est en récession, « sans aucun doute », étant donné que 81 % des investisseurs en condos de la ville gèrent un flux de trésorerie négatif.

La chute des ventes a freiné la construction de condos neufs, mais M. Tal prévoit un rebond spectaculaire dès l’épuisement des stocks actuels.

« Nos stocks nationaux, dit-il, s’écoulent doucement à cause de la baisse des prix. Dans 12 à 18 mois, le marché atteindra son équilibre. Et après ? La demande explosera, les taux baisseront, mais les biens manqueront puisque la construction est à l’arrêt. »

Le capital d’investissement arrive

Les investisseurs qui ont garé leur argent dans des certificats de placement garantis au cours des dernières années lorsque les taux étaient élevés ajouteront plus de carburant à ce feu. Tal dit que beaucoup chercheront de nouvelles opportunités d’investissement maintenant que les taux ne sont pas aussi attractifs. Ils injecteront d’énormes sommes sur le marché boursier et l’immobilier.

« Une masse d’argent oscillant entre 200 et 300 milliards de dollars cherchera bientôt la sortie, poursuit-il. Le marché n’a pas connu pareille situation depuis une génération. Les investisseurs peuvent saisir une opportunité unique de profiter du transfert des CIG vers trois destinations : les actions à dividendes, les titres financiers premium et l’immobilier. »

En conséquence, Benjamin Tal s’attend à ce que le marché des condos de Toronto reste favorable aux acheteurs pendant les 12 à 18 prochains mois, au terme desquels les prix s’envoleront, car davantage d’investisseurs se disputeront une offre plus limitée.

Tal minimise l’impact des renouvellements hypothécaires

Contrairement à de nombreux économistes canadiens, observateurs du marché et propriétaires, M. Tal dit qu’il n’est pas inquiet au sujet de la prochaine vague de renouvellement hypothécaire.

Les emprunteurs bénéficieront, selon lui, de taux plus avantageux que prévu lors du renouvellement.

« C’est beaucoup de bruit pour rien, dit-il. Quarante pour cent des gens qui allaient renouveler leurs hypothèques en 2025 vont renouveler à un taux plus bas, pas plus élevé », dit-il.

« Les 60 % restants demeurent négligeables, poursuit l’économiste. Les calculs bancaires montrent une hausse de 2 % à 3 % des dépenses, rien de remarquable. »

Oblions l’inflation, dit Tal

La Banque du Canada fonde ses décisions de politique uniquement sur l’inflation depuis des années. Benjamin Tal ne croit pas cette stratégie durable pour l’avenir. Il n’a jamais cru non plus qu’elle était solide dès le départ.

C’est parce que le Canada et l’Islande sont les seuls pays qui incluent les coûts hypothécaires et de logement dans leurs mesures principales de l’inflation. Cela signifie que les augmentations du taux directeur augmentent également les coûts de logement, ce qui est capturé dans l’indice des prix à la consommation (IPC), lequel influence les décisions en matière de taux d’intérêt.

« Un humidificateur et un déshumidificateur qui s’affrontent dans une même pièce, voilà à quoi ça ressemble — c’est absurde », affirme-t-il. « L’IPC affiche déjà 1,7 %, sous la cible, dès qu’on en retire les intérêts hypothécaires. »

Tal observe que la Banque du Canada perd son emprise sur les taux d’intérêt. Le rendement des obligations canadiennes à 5 ans illustre ce phénomène : il a grimpé malgré la baisse des taux directeurs, puis reflué.

Tal explique que le rendement des obligations canadiennes à 5 ans, qui influence fortement les taux hypothécaires fixes du pays, suit de près celui du Trésor américain à 10 ans. Ce rendement ne dépend pas tant des décisions de la Banque centrale du Canada sur son taux directeur.

« Ce zigzag est la raison numéro un pour laquelle le taux à 5 ans baisse et les taux hypothécaires ne baissent pas, dit-il. Les banques ne peuvent pas s’engager, étant donné cette volatilité, et cette volatilité est une fonction de la volatilité aux États-Unis. »

L’effet Trump : Comment les menaces de politique américaine impactent les taux hypothécaires du Canada

Tal explique les taux hypothécaires canadiens dépendent plus des obligations américaines que du marché canadien,. il faut explorer les principaux moteurs des marchés américains.

Donald Trump, le candidat républicain, sillonne la Pennsylvanie. Il y fait campagne pour la présidence.
(Photo : Chip Somodevilla/Getty Images)

Les investisseurs américains parient, selon Tal, sur les effets inflationnistes des promesses phares de Donald Trump. Cette inflation affaiblirait les perspectives économiques américaines et entraînerait dans sa chute le rendement des obligations canadiennes à 5 ans. Tal refuse pourtant d’adhérer à ces prévisions.

Tal a projeté une diapositive où le nom du président américain formait l’acronyme de ses promesses électorales : Tariffs, Regulations, Undocumented, Migrants and Protectionism. L’expert a démontré pourquoi ces mesures resteraient « plus de bruit que de mal. »

Le marché américain anticipe déjà les effets de la promesse de Trump. Selon Tal, l’expulsion annoncée de 11 millions de sans-papiers créerait un déficit majeur de main-d’œuvre. Cette pénurie déclencherait alors une poussée inflationniste.

« Vous ne pouvez pas remplacer 11 millions de personnes qui occupent des emplois dont les Américains ne veulent pas, dit-il. Trump déportera cinq ou six cent mille criminels, et ce sera le trophée. »

Tal estime que le tapage médiatique sur les expulsions massives dissuadera les nouveaux migrants plutôt que ceux déjà présents, conformément à l’objectif recherché. Les menaces tarifaires de Trump, poursuit-il, cherchent à déstabiliser sans réellement aboutir à une hausse des prix.

« L’incertitude est le but, et le chaos est l’outil, affirme-t-il. Un PDG hésitera à développer son entreprise au Canada, au Mexique, en Chine ou aux États-Unis en se disant : “qui veut affronter une telle incertitude ?” Trump obtient ainsi ses objectifs sans agir, uniquement en semant le chaos. »

Tal prévoit des tarifs pour certains produits et secteurs. Le bois, les produits laitiers et les métaux sont concernés. Il n’anticipe pas, en revanche, les tarifs nationaux généraux que le président américain a récemment brandis.

Tal estime que Trump a révélé son jeu. Sa décision tardive de suspendre les tarifs contre le Canada et le Mexique, après la chute de la Bourse, prouve que ces menaces resteront lettre morte. « Trump mesure sa réussite à l’indice boursier. Le marché plongerait à la moindre perspective de tarifs douaniers, un scénario que Trump redoute par-dessus tout. »

Tal prévoit une forte volatilité pour le semestre à venir. Cette instabilité découle moins des fondamentaux économiques que d’une stratégie délibérée de désordre. Les tarifs douaniers, même circonscrits à quelques secteurs, perturbent les marchés. La menace inflationniste continue d’alimenter les inquiétudes.

« Les gens renoncent à finaliser leur prêt immobilier, conclut-il. Ils craignent pour leur emploi dans ce marché du travail incertain. Cette situation forcera la Banque du Canada à relâcher la pression dans les six prochains mois. Notre banque centrale devra maintenir des taux bas tandis que la Fed gardera les siens stables. L’inflation américaine plus élevée entraînera une baisse de notre dollar. »

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Last modified: février 20, 2025

Journaliste indépendant et conférencier torontois, Jared Lindzon possède une plume recherchée par les plus prestigieux médias. Ses articles paraissent dans le Globe & Mail, Fast Company et TIME Magazine, mais aussi dans le New York Times, Rolling Stone, The Guardian et Fortune Magazine.

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